C’est fait ! La nouvelle Politique agricole commune 2023-2027 a officiellement pris son envol le 1er janvier dernier, avec deux ans de retard sur le calendrier initial (les règles de la PAC 2014-2020 avaient été prolongées fin 2020, jusqu’à la fin 2022). Adoptée après plus de trois ans de négociations particulièrement serrées, elle reste la première politique de l’Union, représentant un tiers de son budget (hors plan de relance), avec une enveloppe globale de 387 milliards d’euros pour la période 2021-2027. Entre 2023 et 2027, la France touchera plus de 45,2 milliards d’euros (soit un peu plus de 9 milliards par an sur la période). Elle reste le premier État membre bénéficiaire de cette politique.
Une nouvelle répartition des rôles État - régions Dans l’Hexagone, la PAC 23-27 repose sur une nouvelle répartition des rôles entre l’État et les régions, dont les interventions sont définies pour la première fois par un "plan stratégique national" (PSN), dévoilé en mai 2021, finalisé en juillet 2022 et validé par la Commission dans la foulée, non sans quelques passe d’armes. À l’État, la gestion des aides du premier pilier – le Fonds européen agricole de garantie, FEAGA, au budget de près de 7 milliards d’euros en 2023 – et les mesures surfaciques ou assimilées du second pilier – le Fonds européen agricole pour le développement rural, FEADER, au budget moyen annuel sur la période de près de 2.008 milliards d’euros après transfert du 1er pilier (v. notre article du 21 avril) complété par des cofinancements de l’État, des régions, des agences de l’eau…, requis par la réglementation européenne. Ces dernières aides comprennent notamment l’indemnité compensatoire de handicap naturel (717 millions en moyenne annuelle de FEADER), le soutien à l’agriculture biologique (197 millions), les mesures agro-environnementales et climatiques (MAEC) surfaciques (175 millions), la gestion des risques, qui comprend l’assurance récolte (186 millions) ou encore la prévention de la prédation (28 millions). Aux régions (principalement), la gestion des mesures non surfaciques du FEADER, qui recouvrent notamment les aides aux investissements (372,6 millions d’euros en moyenne annuelle de FEADER), le programme Leader (100,4 millions), les dotations aux jeunes agriculteurs (99,5 millions), les aides à la coopération (35,6 millions), les MAEC forfaitaires (22 millions), l’échange de connaissances et d’informations (19,9 millions), les MAES "Amélioration du potentiel pollinisateur des abeilles" (8,6 millions), les dotations Nouvel installé (8,1 millions), les MAEC "protection des races menacées" (4,6 millions)... Auxquelles il faut ajouter 24,7 millions d’euros d’assistance technique aux régions. Plusieurs textes réglementaires précisant les modalités de gestion de ces aides viennent d’être publiés.
Définitions et conditions de mise en œuvre et de contrôle des aides Un décret du 30 décembre relatif au PSN définit un certain nombre de notions – relatives au demandeur, à l’activité et aux surfaces – nécessaires pour la mise en œuvre de ces mesures, le règlement européen laissant ici la main aux États membres. Ainsi, par exemple, de l’"agriculteur actif" qui, au-delà de 67 ans, ne devra notamment pas avoir fait valoir ses droits à la retraite pour pouvoir bénéficier des aides, ou du "jeune agriculteur", qui doit, entre autres conditions, être âgé de 40 au plus à la date de la demande de l’aide – condition d’âge qui ne s’applique pas au "nouvel agriculteur". "Activité agricole", "surface agricole", "jachères"… sont, parmi d’autres, autant de notions que le décret vient préciser. Le décret dispose également les modalités de contrôle, de sanctions et de droit à l’erreur (nouvellement introduit) relatives à ces aides et de mise en œuvre d’un certain nombre de différentes normes qui conditionnent l’obtention de certaines aides. Ainsi notamment des normes et contrôles relatifs aux bonnes conditions agricoles et environnementales (BCAE) ou à la "conditionnalité sociale" (respect des exigences relatives aux conditions de travail et d'emploi), qui constituent deux des nouveautés de cette PAC 2023-2027. S’agissant des BCAE, le décret dispose notamment que les bénéficiaires de paiements directs ou annuels devront ne pas brûler, après récole, les chaumes, tiges et cannes, devront conserver une bande enherbée pérenne de 5m le long des cours d’eau, sur laquelle l’utilisation de fertilisants minéraux ou organiques est interdite, ou encore, à compter du 1er janvier 2024, devront assurer la protection des zones humides et tourbières présentes sur leur exploitation.
Répartitions entre régions Un décret du 3 janvier fixe par ailleurs les règles relatives aux conditions d'éligibilité temporelle et géographique ainsi que les catégories de dépenses non éligibles applicables aux aides relevant du Feader dont la gestion a été confiée aux régions (ou aux collectivités idoines de Corse et d’outre-mer). Le décret dispose que l’autorité de gestion territorialement compétente pour octroyer une aide est celle sur le territoire duquel le demandeur à son siège pour : les maec "transition des pratiques", "amélioration du potentiel pollinisateur des abeilles" et "protection des races menacées" ; les engagements de gestion, aides au gardiennage des troupeaux sur les territoires pastoraux hors zones de prédation ; le soutien à la production primaire agricole ainsi qu'aux projets portés par les agriculteurs ou leurs groupements ; le investissements agricoles non productifs en Corse ; les investissements bonifiés en faveur des jeunes agriculteurs ; les aides à l'installation du jeune agriculteur et du nouvel agriculteur – avec une dérogation possible pour les investissements relatifs au pastoralisme. Pour les autres aides (sauf lorsqu’elles portent sur des équipements mobiles ou des investissements immatériels non liés à un investissement portant sur un bien meuble), l'autorité de gestion régionale territorialement compétente pour octroyer une aide est celle sur le territoire duquel est réalisé l'investissement. Par ailleurs, le décret dresse la liste des dépenses non éligibles autres que celles déjà prévues par la réglementation européenne. Y figurent, parmi d’autres, les amendes, sanctions pécuniaires et pénalités financières hors contrat, les frais de justice et de contentieux ne relevant pas de l’assistance technique, la TVA, les investissements concernant du matériel d’occasion (sauf exceptions), etc. Enfin, un décret du 22 décembre arrête la convention type de mise à disposition des services (ou parties de service) – les Draaf, Dreal et DDT – de l’État concernés par le transfert des aides non surfaciques du second pilier vers les collectivités territoriales.